Après 2 mois passés à Mayotte, nous repartons pour la
métropole. Rassurez-vous, pas pour longtemps : nous avons les billets
pour la Nouvelle Zélande dans 3 jours…
La soirée de départ fut bien arrosée, et bien sympathique.
On nous a jeté dans le port avant de nous finir en boite...
C’est l’heure du bilan.
Par Karim :
C’est une île merveilleuse mais la vie ici est complexe.
Comprenez compliquée et non pas difficile. Compliquée depuis qu’on s’en est
mêlé !... Il parait qu’il est interdit
selon les lois internationales de séparer les îles d’un archipel, et on
comprend bien pourquoi, quand on regarde Mayotte dans l’archipel des Comores. Les
comoriens veulent récupérer Mayotte, ils disent qu’on leur a enlevé une patte…Si j’ai bien compris le vote pour l’indépendance
était pour l’archipel, mais certaines personnes soucieuse de garder Mayotte
(pour son pétrole ? sinon pourquoi ?) ont demandé un recompte des
votes uniquement pour l’île de Mayotte. Ainsi la France compte désormais 101
départements, mais ils ne devaient pas y avoir beaucoup de votant et on se
demande même si cela n’a pas été truqué !... Je ne sais pas si c’est bien
que cette île soit restée seule française : on ne pourra jamais y appliquer
les lois métropolitaines. Un exemple, pendant longtemps, pour pouvoir
bénéficier de la sécu, il fallait un RIB, et donc un compte bancaire. Aussi,
personne n’avait la sécu. Depuis cette année, il existe une dérogation. Mais
elle ne s’applique que pour les soins hospitaliers. En clair si tu vas chez le
médecin (il y a en a quelques-uns) ou en dispensaire, tu n’es pas remboursé,
donc tu viens aux urgences… Et je passerais sur le numéro de Siret quand tu es
paysan, la plaque pour les taxis, etc…
Cette année va être difficile pour les mahorais, avec l’impôt
sur le revenu (qui était jusque-là prélevé à la source), la taxe immobilière,
et toutes les autres, dont ils n’ont jamais entendu parler. La culture ici
relève plutôt du carpe diem, que de la cigale et la fourmi…
Je n’ai pas bien compris le racisme envers les comoriens,
car pratiquement tous les mahorais ont de la famille là-bas. Toujours est-il
que je ne sais pas comment faire pour aider ces gens sans papiers. Peut-être
les missions de formation chez eux seraient une solution, mais leur système de
santé est pour le moment inexistant. Alors on aura formé des médecins qui ne
soigneront que les riches ?
En fait je me rends compte que partout où l’on va (l’homme
blanc), on fout le souk. Ces gens, qui vivaient de troque, d’échange, de la
culture de manioc (bio), de la pêche, on leur a fait goûter au Coca Cola®, mais on ne leur pas
expliqué les conséquences : l’argent nécessaire pour s’en acheter, ainsi
que les maladies (nouvelles pour eux : « les maladies des
blancs ») que cela pouvait engendrer. Y qu’à regarder le nombre de
diabétiques (« la maladie du sucre »), qui comme à la réunion est le
double du taux en métropole.
On leur a donné le coca sans précaution ! Cool,
maintenant ils consomment. Ils ont de nouveaux désirs mais pas forcément
adaptés à leur façon de vivre…
Je me rappelle un reportage ancien de Nicolas Hulot (oui le politicien).
Il était en Mongolie, sous une tente avec un paysan et son traducteur, et il
demande « mais qu’est-ce qui vous manque ici ? Vous avez vos animaux,
votre montagne,…. ». Le traducteur était embarrassé et finit par dire à
Hulot : je ne peux pas traduire cette question, le verbe manquer n’existe
pas chez nous !
Cette population avait certes un taux de mortalité infantile
important, des maladies graves et une espérance de vie bien plus faible ;
mais peut-être qu’ils étaient quand même mieux sans nous ? A vivre comme
ils en avaient l’habitude, sans qu’on essaie de changer leur façon de penser et
de les faire rentrer dans notre moule (ce qui en réalité est impossible…). Cette
question reste ouverte, mais en ce qui concerne Mayotte, je ne vois pas de
solution.
J’ai adoré le travail ici, très diversifié, très
enrichissant, avec des maladies rares, tropicales ou non. Le service était
génial avec une bonne ambiance dans l’équipe soignante. Mais la médecine n’est
pas simple ici. Les gens n’ont pas cette culture : prendre un traitement
quotidien, l’interrogatoire lors des consultations. Un québécois en
remplacement, m’avait fait rire : « Karim vient voir, je ne
comprends pas, ce patient est adressé du dispensaire pour
totalgie ? » Et oui, ici ils ont mal partout… Un exemple
simple : une bouéni de 35 ans vient pour totalgie. Je lui demande où a-t-elle
le plus mal, et elle me montre son oreille droite. Elle n’avait pas fait le
lien entre la fièvre et cette sensation de mal être que l’on ressent à 40°C
avec une otite. Je vous laisse imaginer la régulation du centre 15, où tu prends
des décisions sans voir les gens… En plus, ils ont bien compris que pour avoir
une ambulance (ambulance publique : 1 par dispensaire soit 3 + 2 à
Mamoudzou pour toute l’île), il fallait que ce soit grave. Donc ils aggravent
la situation : « elle a mal partout avec de la fièvre, et a du
mal respirer, ne peut plus marcher, et ne peut pas vous parler docteur ».
Ceci dit, on y arrive quand même, avec l’aide précieuse des assistants de
régulation qui parlent tous le Shimaoré.
Voilà, je vous invite à venir voir ce peuple gentil pour la plupart, sur
cette île magnifique, pour vous faire votre propre idée. Mais je sais que ce mode
de vie naturelle, non matérialiste, un peu sauvage ne plairait pas à tout le
monde.
Gros bisous à tous les amis rencontrés sur cette île, aux
collègues.
A bientôt,
Inch’allah.