dimanche 19 janvier 2014

C’est la fin

Après 2 mois passés à Mayotte, nous repartons pour la métropole. Rassurez-vous,  pas  pour longtemps : nous avons les billets pour la Nouvelle Zélande dans 3 jours…
La soirée de départ fut bien arrosée, et bien sympathique. On nous a jeté dans le port avant de nous finir en boite...
C’est l’heure du bilan.
Par Karim :
C’est une île merveilleuse mais la vie ici est complexe. Comprenez compliquée et non pas difficile. Compliquée depuis qu’on s’en est mêlé !... Il parait qu’il est  interdit selon les lois internationales de séparer les îles d’un archipel, et on comprend bien pourquoi, quand on regarde Mayotte dans l’archipel des Comores. Les comoriens veulent récupérer Mayotte, ils disent qu’on leur a enlevé une patte…Si  j’ai bien compris le vote pour l’indépendance était pour l’archipel, mais certaines personnes soucieuse de garder Mayotte (pour son pétrole ? sinon pourquoi ?) ont demandé un recompte des votes uniquement pour l’île de Mayotte. Ainsi la France compte désormais 101 départements, mais ils ne devaient pas y avoir beaucoup de votant et on se demande même si cela n’a pas été truqué !... Je ne sais pas si c’est bien que cette île soit restée seule française : on ne pourra jamais y appliquer les lois métropolitaines. Un exemple, pendant longtemps, pour pouvoir bénéficier de la sécu, il fallait un RIB, et donc un compte bancaire. Aussi, personne n’avait la sécu. Depuis cette année, il existe une dérogation. Mais elle ne s’applique que pour les soins hospitaliers. En clair si tu vas chez le médecin (il y a en a quelques-uns) ou en dispensaire, tu n’es pas remboursé, donc tu viens aux urgences… Et je passerais sur le numéro de Siret quand tu es paysan, la plaque pour les taxis, etc…
Cette année va être difficile pour les mahorais, avec l’impôt sur le revenu (qui était jusque-là prélevé à la source), la taxe immobilière, et toutes les autres, dont ils n’ont jamais entendu parler. La culture ici relève plutôt du carpe diem, que de la cigale et la fourmi…
Je n’ai pas bien compris le racisme envers les comoriens, car pratiquement tous les mahorais ont de la famille là-bas. Toujours est-il que je ne sais pas comment faire pour aider ces gens sans papiers. Peut-être les missions de formation chez eux seraient une solution, mais leur système de santé est pour le moment inexistant. Alors on aura formé des médecins qui ne soigneront que les riches ?
En fait je me rends compte que partout où l’on va (l’homme blanc), on fout le souk. Ces gens, qui vivaient de troque, d’échange, de la culture de manioc (bio), de la pêche, on leur a fait goûter au Coca Cola®, mais on ne leur pas expliqué les conséquences : l’argent nécessaire pour s’en acheter, ainsi que les maladies (nouvelles pour eux : « les maladies des blancs ») que cela pouvait engendrer. Y qu’à regarder le nombre de diabétiques (« la maladie du sucre »), qui comme à la réunion est le double du taux en métropole.
On leur a donné le coca sans précaution ! Cool, maintenant ils consomment. Ils ont de nouveaux désirs mais pas forcément adaptés à leur façon de vivre…
Je me rappelle un reportage ancien de Nicolas Hulot (oui le politicien). Il était en Mongolie, sous une tente avec un paysan et son traducteur, et il demande « mais qu’est-ce qui vous manque ici ? Vous avez vos animaux, votre montagne,…. ». Le traducteur était embarrassé et finit par dire à Hulot : je ne peux pas traduire cette question, le verbe manquer n’existe pas chez nous !
Cette population avait certes un taux de mortalité infantile important, des maladies graves et une espérance de vie bien plus faible ; mais peut-être qu’ils étaient quand même mieux sans nous ? A vivre comme ils en avaient l’habitude, sans qu’on essaie de changer leur façon de penser et de les faire rentrer dans notre moule (ce qui en réalité est impossible…). Cette question reste ouverte, mais en ce qui concerne Mayotte, je ne vois pas de solution.
J’ai adoré le travail ici, très diversifié, très enrichissant, avec des maladies rares, tropicales ou non. Le service était génial avec une bonne ambiance dans l’équipe soignante. Mais la médecine n’est pas simple ici. Les gens n’ont pas cette culture : prendre un traitement quotidien, l’interrogatoire lors des consultations. Un québécois en remplacement, m’avait fait rire : «  Karim vient voir, je ne comprends pas, ce patient est adressé du dispensaire pour totalgie ? » Et oui, ici ils ont mal partout… Un exemple simple : une bouéni de 35 ans vient pour totalgie. Je lui demande où a-t-elle le plus mal, et elle me montre son oreille droite. Elle n’avait pas fait le lien entre la fièvre et cette sensation de mal être que l’on ressent à 40°C avec une otite. Je vous laisse imaginer la régulation du centre 15, où tu prends des décisions sans voir les gens… En plus, ils ont bien compris que pour avoir une ambulance (ambulance publique : 1 par dispensaire soit 3 + 2 à Mamoudzou pour toute l’île), il fallait que ce soit grave. Donc ils aggravent la situation : «  elle a mal partout avec de la fièvre, et a du mal respirer, ne peut plus marcher, et ne peut pas vous parler docteur ». Ceci dit, on y arrive quand même, avec l’aide précieuse des assistants de régulation qui parlent tous le Shimaoré.
Voilà, je vous invite à venir  voir ce peuple gentil pour la plupart, sur cette île magnifique, pour vous faire votre propre idée. Mais je sais que ce mode de vie naturelle, non matérialiste, un peu sauvage ne plairait pas à tout le monde.
Gros bisous à tous les amis rencontrés sur cette île, aux collègues.
A bientôt,  Inch’allah.

mercredi 15 janvier 2014

La plongée.


Je ne vous ferez pas le descriptif du lagon de Mayotte, qui est l’un des plus beaux au monde, avec sa double barrière de corail circulaire. Cf internet.
Par contre je vous invite tous, à aller mettre la tête sous l’eau ici. On s’est régalé.
Avec presque 50 plongées à nous 2 en 2 mois, un niveau 2 pour marie, on en a vu des bêtes.
On a écumez le club d’Hippocampe à Mamoudzou : très sérieux, avec très bon matos, où on a rencontré Max, un ami d’un ami de la Vashfol. (Oui le monde est petit). Et plongée sur la douzaine de sites de la passe en S, étalés sur 3 Km.


On a aimé trainer dans le nord chez Happy diver. Très différent de la passe en S, et très poissonneux. Les noms des sites sont plus imagés : cocaine, forteresse, champs de pavot,…Avec ses magnifiques plages, je ne citerai que mliha, petite seychelle, accua,…L’un des moniteurs était du Havre…mdr







Et puis le Sud avec Abalone, la passe bateau, nord et sud, sont absolument à voir,…
On a fait une plongée de nuit, c’est magique : chacun sa lampe, on évolue dans le noir, comme dans abysse. Le saviez-vous ? Le perroquet, la nuit, se fait une bulle de protection, avec sa salive (un bon molard quoi !) pour ne pas être attaquer. Et puis à la fin, on aperçoit le plancton fluorescent, mais là j’ai pas de mot pour le décrire.
On n’a pas eu le temps d’aller voir : le geyser (170 km vers mada, banc de requins marteaux,…), le banc de l’iris, l’ouest (il y a un club à Chirongui),… Mais c’était génial, magique, étonnant.
Je ne citerais pas tous les animaux, mais ça passe par les requins, thazards, thons, carangues, tortues, dauphins, nudibranche, porcelaine, rascasse, scorpion, raie aigle,pastenague, mérou,fusillerset par chance, j’ai récupérer une vidéo d’un gas de la palanqué, quand on a vu un requin baleine.
No comment.

dimanche 29 décembre 2013

Mariage mahorais

On vous avait dit qu’on avait de potes mzungu sur l’île depuis 3 ans, qui habitent Sada : Alex et Annaïck.


Et bien, ils nous ont invités au mariage traditionnel de leur voisin.
Sada la fière, où s’étagent les maisons qui dévalent la colline jusqu’à la plage et le centre, dominé par un minaret. Sada est fière car de nombreuses familles se disent descendantes des Sharifs, premiers arabes venus sur l’île.

 

















Les mahorais ne les aiment pas trop : trop pédants, prétentieux et également trop religieux…
Pour les mzoungou, c’est une ville ou plutôt un village paisible, plus tranquille que les autres.
Ce qui est sûr, c’est que les gens y sont soudés :
Il y a 15 jours, un habitant de Sada a été retrouvé mort par pendaison chez lui. Dans ce cas-là, c’est le smur et les pompiers qui se déplacent pour évaluer le pronostic vital et faire les certificats. De manière théorique et obligatoire en métropole,  le médecin a mis un obstacle médico-légale : car c’est une mort suspecte d’être causée par un tiers, bref il faut une autopsie (un seul médecin légiste sur l’ile en ce moment et c’est un gars qui est urgentiste). Et là, c’est le drame : émeute à Sada, plus de 100 personnes se sont dressés devant les représentants des opérations judiciaires. Le corps n’a donc pas été autopsié, le procureur ayant levé l’obstacle.  Trop bizarre…

Mais sinon, on a été au mariage.
C’est comme toute coutume étrangère, un peu spéciale pour nous, mais c’était vraiment sympa.
Etant des invités de la mariées, nous devions aider aux préparatifs. Marie et annaïk, ont préparé de la bouffe, des brochettes, des tonnes de riz, du mataba (brède manioc et coco), au feu de bois sous 38°C. 

Moi et alex, on a fait le tour du village 30 fois avec des tonnes de boissons (non alcoolisées), de plats, des tables pour agencer les 3 endroits : un pour les femmes, un pour les hommes et un pour les mariés et ses proches (c’est là qu’on a mangé).
Après les 12 travaux, on a rejoint les filles, qui étaient magnifiques. Une petite sous tenue, et le traditionnel Salouva (constitué de 2 morceaux de lambawane cousus ensemble et d’un troisième seul), chaque famille a ses couleurs. Nous on a mis un pantalon et une chemise, youpi !





Un petit cortège, avec la famille du marié, qui vient d’un autre village. Les hommes portent un collier de jasmin, les femmes de Sada les protègent du soleil et les ventilent…





Puis on monte retrouver la mariée (probablement un peu oligophrène), on l’arrose de billets, et on passe à table. En fait les hommes (et nous 4, en tant qu’invités privilégiés) passent à table, et les femmes chantent et nous servent, et nous ventilent !



La coutume est que le marié va habiter chez sa femme. Les parents font construire dans le village pour leurs filles. Après le repas, les hommes vont ranger les tables, les couverts, les gamelles, alors que les femmes partent danser entre elles.




















On repartira avec les « dragées mahoraises », en fait un assortiment de desserts. On a super bien mangé, et les gens ont été adorables avec nous.




lundi 23 décembre 2013

La médecine... à Mayotte

Je vous l'avais promis, un petit résumé de "comment exerce-t-on la médecine à Mayotte", mais c'est impossible à décrire, il faut le vivre pour le croire !! Je ne savais donc pas par quel bout commencer, mais là, c'en est trop, il faut que je raconte : ce matin, un brancardier a appelé dans le service pour dire qu'il ne pouvait pas emmener un patient à la dialyse, motif "il pleut"... bon ok cette pluie là, elle te rince en deux secondes, mais là j'en croyais pas mes zoreilles !!
Vous l'aurez compris, rien n'est facile. 
Les malades sont tellement jeunes (moyenne d'âge en réa 25 ans vs 70 en métropole) que je suis obligée de découvrir la réa pédiatrique, certes tout aussi passionnante que celle de l'adulte, mais beaucoup plus stressante, tout est en version mini, tous les médicaments dilués à des doses infimes (vive la calculatrice!), et des pathologies qui m'étaient jusqu'à maintenant inconnues : déficit en arginase, maladie mitochondriale de la chaine enzymatique respiratoire, déficit en G6PD, drépanocytose homozygote... bref vive le vademecum metabolicum pédiatrique, ou la consanguinité?... Bon c'est bien beau ces diagnostiques, mais ici on a rien pour les traiter alors pour peu qu'en plus ils n'aient pas la CQ, ben t'es dans une belle impasse avec une mortalité infantile bien trop élevée... A ma dernière garde c'est un gamin de 10 ans qui est mort d'un abcès cérébral parce qu'on ne lui avait pas donné les antibiotiques ! Ah oui coco (mamie) elle a emmenée son petit-fils au dispensaire pour voir le docteur, mais après y avait trop de monde pour les médicaments alors on est partis... probablement qu'ils n'avaient pas d'argent puisqu'ils ne pouvaient même pas s'acheter à manger, mais tous les médicaments sont gratuits pour tous les enfants, papiers français ou pas. Je vous raconte pas la galère quand le transporteur de corps (seul sur Mayotte, Mzungu ayant le monopole après avoir obtenu la fermeture de la société concurrente mahoraise...) a demandé 380 euros à la famille pour ramener le corps chez eux, à 10km de l'hôpital...
Je ne reviendrai pas sur les sans papiers (le plus souvent des comoriens arrivant par kwassa ou même habitant depuis toujours à Mayotte mais étant devenus sans papiers depuis que Mayotte est française), mais rares sont les médecins qui ne font pas de l'humanitaire au quotidien, certes sur le dos de la CQ, mais pour des gens qui en ont vraiment besoin ! Ceci dit, même si c'est gratuit pour une grande majorité des patients rares sont les malades compliant et observant avec leur traitement. Beaucoup pensent que c'est du poison, ou alors qu'ils ne sont pas malades puisque tout va bien alors "pourquoi le médecin blanc veut-il que je prenne des médicaments ?" Donc difficile d'instaurer un traitement et d'espérer un suivi régulier. Je ne parle même pas d'installer une machine de ventilation à domicile, encore faut-il se renseigner sur l'état du logement parce qu'un banga sans électricité en représente un contre-indication...
Le laboratoire, ça aussi c'est toute une histoire !! Quand l'examen prescrit n'a pas été zapé par l'infirmier, que le manip labo ne le laisse pas traîner sur la paillasse, que le logiciel fonctionne correctement (et non de façon "dégradée"), tu peux espérer obtenir un résultat dans la journée... et puis tout ce qui n'est pas fait en routine est envoyé à la Réunion, donc faut attendre l'avion du lendemain que le prélèvement ne tombe pas dans la soute de l'avion, que le coursier le dépose au bon labo le surlendemain et que l'analyse débute 3 jours plus tard... bref les patients meurent bien avant d'avoir eu le résultats de la biopsie !
La neurochirurgie et la cardiologie, les 2 grandes absentes de l'île. Tu te retrouves en réa avec des patients hospitalisés pour des infarctus ou des anévrysmes cérébraux rompus qui doivent attendre l'avion du lendemain pour aller à la Réunion bénéficier de soins adaptés. Autant dire que tu serres les fesses ! et ça génère un trafic sanitaire monstrueux avec en général au moins un patient transféré chaque jour ! (encore une niche fiscale pour les docteurs qui économisent des miles à chaque voyage sur le dos des patients... ou pour air austral qui a la monopole puisque réquisitionné par l'Etat).
Bref la médecine à Mayotte c'est un mélange de découvertes en tout genre, où médecine, social et droit sont notre quotidien. On vient de recevoir un courrier du préfet qui stipule le "renvoi immédiat et sans soin de tout comorien capable de marcher", à vous d'interpréter !
Voilà, c'est difficile de résumer une façon complètement différente de pratiquer la médecine, je n'ai abordé que quelques aspects, pour ne pas vous lasser, mais pour ceux que ça intéresse, je fais un petit carnet d'anecdotes (pour ne pas oublier, si c'est oubliable ?!) que je mettrai sur le blog.